Catherine, sketch de Sylvie Joly avec transcription intégrale du texte





 Catherine

 

Vous avez appris, sûrement, qu′ nous avions acheté un nouvel appartement ? Non, vous n’ le saviez pas ? Sensationnel !

On a tout r’fait, naturellement, ça nous a beaucoup amusés, Philippe et moi. 
On a entièrement r’pensé l′aménagement et la décoration. Et je suis ravie parce que tous les amis qui viennent chez nous me disent : "Catherine, votre appartement est formidable !
 C'est un appartement qui raconte une histoire, qui est chaud, qui vit…"
Absolument, absolument ! Bon, bien sûr, y a l'harmonie des couleurs, les jolis meubles, les moquettes épaisses, les bibelots rares, mais, j′crois que c′que les gens sentent en plus tout d'suite, c′est que Philippe et moi, on est un couple qui s'adore. Avec des gosses adorables, ça j′suis bien obligée d'le reconnaître : détendus, intelligents, équilibrés. C′est amusant, d'ailleurs, tout l'monde me dit : "Catherine, vous êtes une femme, une mère extraordinaire." "Pour réussir si bien avec Philippe et les enfants, vous avez sûrement un secret ?" 
Non, j′ai pas d′secret, je suis moi, c'est tout Je vis, je sors, j′m'intéresse, je m’passionne… Je m′tiens au courant d' tout c′qui est important, alors forcément j'suis dans l' coup. D′autre part, avec Philippe, nous f’sons beaucoup d′ski, et surtout énormément d'voile. Et je crois que là, oui, ça m′a aidé à rester étonnamment jeune. Benoît et Christophe, adorables, l'autre jour m′ont dit : "Vous savez, maman, les copains en classe se sont demandé qui c'était la jolie jeune fille qui venait nous chercher dans sa belle voiture de sport. Leurs yeux brillaient, j′en étais presque gênée. On sentait qu'ils étaient fous d' joie. C′est vrai, c′est tellement valorisant pour les garçons d'avoir une maman ravissante ! J′ai eu peur un temps, j'l′ avoue, que Delphine soit terriblement jalouse de moi. Mais c'qu′il fallait simplement, c'est qu'elle se sente pas trop écrasée. J′lui ai laissé espérer, sans trop insister évidemment, avec tact, qu′elle aussi, peut-être, serait ravissante un jour. Évidemment, ça m'agace parfois, de voir Delphine copier mes gestes, mes attitudes, mon maquillage, même me chiper mes robes… même mes jeans, le petit chameau ! Mais elle est tellement, tellement heureuse d′essayer d'être une Catherine numéro deux. Et j'aimerais tant qu′elle y parvienne. J'aimerais tant qu'elle soit plus tard pour son mari, c′que j′suis pour Philippe. 
L'année dernière, il est parti pour un voyage d′affaires très important aux USA. J'l′ai accompagné une semaine, nous avons vu énormément d'choses et d′gens passionnants, et au r’tour, Philippe m'a dit : "Tu sais, Catherine, j'étais très fier de toi, parce que, au fond, là-bas, tu r’présentes un peu la France !" 
Absolument, absolument ! Moi aussi, je trouve qu’à l′étranger une Française n'a pas l′droit, ne peut pas s' permettre d′être médiocre. En tout cas, moi, je n'le pourrais pas. Je n′ parle pas seulement d' l'allure, de l′élégance, mais aussi d′une certaine dimension intérieure. L'autre soir, en dansant, Patrice, un ami d′ Philippe, une très grosse fortune, m'a dit : "Vous savez, Catherine, c′qu'il y a peut-être de plus fascinant en vous, c′est la lumière de vot’ sourire, c'est cette part d'exigence, cette quête d′absolu qu′révèle votre regard, une certaine … comment dire… qualité d'âme." 
Absolument, absolument J′ai beaucoup aimé que Patrice, qui est follement amoureux d' moi ait déshabillé aussi mon âme. Il a senti à quel point ses compliments — si justes soient-ils — me gênaient ; il n’a plus prononcé un mot, il m′a serrée très fort contre lui et m′a prié d' me taire. À un certain niveau d' communication, il n′y a plus place que pour le contact et pour le silence.

 

Comments

Popular posts from this blog

Bah ou ben ? Ne pas confondre ces deux interjections.

La pause, sketch d'Albert Dupontel, avec texte intégral

Une noix, chanson de Charles TRENET, un véritable poème